Dane Rudhyar et la Lune Noire

Le 22/07/2024

L'oeuvre de Rudhyar constitue, par la somme de ses ouvrages publiés, un ensemble cohérent de principes et fondements visant à réinstaurer une pensée cohérente et justifiée des symboles utilisés.

Préambule

Considérée comme perdue depuis l'instauration, par le Concile de Nicée rassemblant les « Pères de l'Eglise » au 5ème siècle de notre ère, de l'interdiction de croire à la cyclicité dans la nature, la vie et l'Univers en général, le bûcher fut un argument d'autorité plutôt convaincant, bien qu'un argument d'autorité n'en soit jamais un ...Mille six cent ans d'un tel formatage d'esprit ne s'effacent pas facilement, et tout ce qui s'appuie sur un principe de linéarité est issu, au fur et à mesure des siècles, de ce qui ne me semble rien de moins qu'un viol des esprits.
L'idée de fond consiste à imposer que « notre pouvoir est un don de Dieu, donc éternel comme lui. » Par conséquent il ne peut pas suivre un schéma cyclique qui implique forcément un repli, une remise en cause pour le meilleur ou le pire, comme l'est la fin de tout cycle, à l'image d'une marée qui, à monter puis descendre encore et encore, fait battre le Cœur de l'Océan ( Bleu de France ? ...)  et, comme l'exprimait Léo Ferré, « courir les moutons de la mer ».

Après seize siècles d'un tel fanatisme et de ses conséquences dans toutes les déclinaisons culturelles engendrées sur le globe, nous considérons avec Rudhyar qu'il est temps de rétablir le concept de cyclicité. Voir quelque chose de plat ou de linéaire est, dans toutes choses de l'Univers, l'expression d'un manque de hauteur de vue ou d'esprit !
          " -Que vois-tu maintenant ? demandait Colomb au jeune homme rêveur.
           -Je ne vois plus rien. Répondit-il.
           -A ton avis, pourquoi ?
           -Je ne sais pas ! admit désœuvré le jeune homme.
           - Elle est ronde ! conclut Colomb. "

Cette vision cohérente s'appuie, outre une rigueur intellectuelle élevée, sur un mise en relation des pensées orientales et occidentales.
Il s'agit donc de dépasser les spécificités des modes d'expression culturels spécifiques liés aux différents symbolismes des doctrines spirituelles et ancestrales de la planète, ceci dans le but d'atteindre, comme pourrait l'exprimer Carl Gustav Jung, l'essence archétypique de ces contenus et le sens profond de ce qui est commun à toute l'Humanité au-delà des barrières liées aux origines idéologiques, socio-culturelles .

La Lune Noire

Ceci posé
, entrons dans notre sujet. Qu'est-ce que la Lune Noire ? Comment est-elle traditionnellement interprétée ? Cette interprétation est-elle en cohérence avec, ou inspirée d'autres doctrines spirituelles ? Et si oui ou non, lesquelles et pourquoi ?

La Lune Noire est un point fictif de l'orbite de la Lune autour de la Terre. Cette orbite, comme toutes celles de notre système solaire, n'est pas circulaire mais elliptique.
Les deux particularités d'une ellipse sont d'une part d'avoir deux foyers, ce qui signifie d'autre part que la Terre étant l'un de ces foyers, il en résulte que la Lune, dans l'axe longitudinal de cette orbite, est à l'une de ces extrémités au plus proche de la Terre, ce point est appelé périgée. A l'opposé, elle se trouve au point le plus éloigné de la Terre ; ce point est appelé l'apogée.
Il en découle que, lorsque la Lune est à son apogée, elle est aussi alignée dans l'axe de la Terre avec le centre du deuxième foyer de l'ellipse. Apogée et deuxième foyer sont, lorsque la Lune observée depuis la Terre atteint ce point, confondus sur un même axe. Ce point est appelé « Lune Noire ».

Le développement cyclique est un point focal des plus importants sur lequel Rudhyar focalise notre attention.
Contrairement à d'autres formes d'astrologie, un aspect, par exemple un aspect de carré entre deux planètes, n'est pas identique à un autre aspect carré, suivant qu'il soit croissant ou décroissant. Pensons à la Lune qui, au premier et au dernier quartier, aura des effets inverses sur notre planète, notamment visibles par le phénomène des marées.

Dans ce contexte, le Lune Noire, telle qu'elle est utilisée traditionnellement en tant que point isolé, n'a pas de cohérence puisque nous somme avec Rudhyar dans une logique de développement cyclique, et de cohésion fonctionnelle d'un ensemble de points reliés par des phases. Ce point, et sa définition courante, seraient donc crédibles s'ils s'inséraient dans un ensemble cyclique permettant de la situer comme on explique un point reliant deux phases, c'est-à-dire comme découlant de la précédente et préparant la suivante. C'est là la logique de Rudhyar, mais jamais la Lune Noire n'est présentée ainsi, d’où la faiblesse des fondements sous-jacents à l'interprétation qui lui est attribuée.
Par ailleurs, le silence de Rudhyar autour de la Lune Noire peut trouver une autre hypothèse complémentaire à cette explication, les deux ne s'excluant pas l'une l'autre.

Sa démarche, pour mémoire, a pour but fondamental de rapprocher les différentes spiritualités du globe, dans une logique, encore une fois, similaire à la pensée de Jung lorsque ce dernier évoque qu'à travers l'universalité des archétypes il est possible d'envisager l'existence d'une sorte de savoir absolu, archétypal et intuitif. ( liens potentiels avec ce que l'on appelle la « Tradition Primordiale » sous-entendus et pressentis comme hypothèse peut-être intéressante, mais cela dit hors sujet ici )
Ainsi, dans la plupart des doctrines spirituelles et ésotériques du globe, la Lune n'a pas une influence bénéfique, bien au contraire. Bien des mythes et légendes peuvent se commenter en ce sens. Il s'ensuit que les effets perturbateurs de la vie émotionnelle de notre satellite, sont perçus comme atténués lorsque cette Lune est au plus loin de la Terre lors du parcours de son orbite.

Ce qui contrarie complètement les interprétations négatives faites régulièrement dans les divers ouvrages au sujet de la Lune Noire, puisqu’étant le point le plus éloigné d'une influence perçue comme négative, l'interprétation devrait en toute logique et pour le moins, aller dans le sens d'une atténuation d'effets indésirables et perturbateurs. Le flou règne ainsi encore complètement sur l'influence du transit lunaire sur ce point fictif, contrairement aux interprétations fantasques mal fondées, mais avec d'autant plus de convictions, de la littérature sur le sujet.
Cette littérature foisonnante qui s'appuie sur le caractère isolé de ce point semble plutôt jouer des sensibilités d'un grand public plongé dans une quête apparemment vaine de stabilité affective. Ce public qui est victime d'un quotidien de plus en plus déprimant, l'est aussi d'auteurs qui se jouent, plus ou moins consciemment, d'un effet de mode séduisant, à une époque ou les esprits sont focalisés, via des craintes et des malaises enfouis ou des fascinations issues d'images déconnectées de toutes formes existantes de conceptions spirituelles sérieuses, sur des produits pseudo-culturels de sociétés marchandes matérialistes, tel un cinéma fantastique obsédé par l'horreur ou le morbide qui tient plus d'une superstition culturelle mal digérée et en décomposition que d'un savoir atavique persistant.

A noter ici que Rudhyar met aussi en avant la nécessité de nos jours de remettre en cause la classification astrologique traditionnelle "bénéfique/maléfique" qui est autant improductive et castratrice pour le psychisme que de classer en Bien ou Mal tous les aspects de notre vie. Cette manière de penser basée sur le jugement de valeur conduit à augmenter les contenus non-traités qui, depuis l'inconscient ou ils sont relégués,  imposent dès lors leur tyrannie moralisante par un effet compensatoire de projection. Ces personnes n'ont d'autres choix que de se séparer de leurs propres enfantements psychiques reniés puisque considérés illégitimes, mais dont la honte, le mépris ou la culpabilité depuis l'inconscient hurlent à la conscience de ces êtres la dette morale dont ils se pensent créanciers. En résulte une projection par ces individus sur leur collectif de ces conflits intérieurs conduisant à des tyrannies morales n'ayant par nature pas de fins tant que le face-à-face du conscient et de l'inconscient n'est pas réalisé d'une manière ou d'une autre.

Par opposition, par exemple et entre autres, la théosophie nous explique que, au moment de l'apogée de la Lune, les corps astraux de la Terre et de la-dite Lune ne sont plus en contact, ce qui ne permet plus aux entités lunaires ( considérées pour les théosophes comme d'influence néfaste ) de perturber le vie des humains.
Il n'est pas question de juger ce concept, et le trouver absurde équivaudrait à se tenir fermé à l'esprit de Rudhyar. Que l'on y accorde crédit ou pas, ce concept va dans le même sens que beaucoup d'autres considérations ésotériques dans le temps et l'espace parmi les civilisations et les cultures humaines, et c'est la cohérence des contenus interprétatifs les uns par rapports aux autres, le contenu de fond au-delà de la forme culturelle, qui permet d'établir les bases d'une interprétation.

Bref. Pour revenir au sujet, l'interprétation négative de la Lune noire est déconnectée de toute forme de rationalité du point de vue d'une cohérence globale de la vie spirituelle de l'Humanité et d'un symbolisme astrologique cohérent. Mais en amont, l'utilisation même de ce point, puisqu'isolé, n'a pas non plus de cohérence dans une logique rationnelle de développement cyclique, telle que ce que nous devons maintenant engager afin de sortir de cette période de notre Histoire dominée par la tyrannie pseudo intellectuelle d'un matérialisme qui, certes, a eu son rôle utile dans notre développement psychologique collectif, mais, arrivé à une phase dégénérescente liée à une fin de cycle, nous entraîne maintenant vers une crise cathartique globale et débilitante si nous ne parvenons pas à une transformation créatrice via ce processus.

Conclusion

A une époque ou l'on parle tant de tri de déchets, de compostage, d'environnement, ou l'on impose tant de pseudos raisonnements écologiques fragiles au nom d'un Bien qui, comme Dieu lui-même, se fait offense de devoir être démontré en face-à-face avec l'Humanité, mais ou en même temps nous en sommes dorénavant à la création de cinquième ou sixième continent de déchets océaniques à force de ce Bien, et de marchandage mondialisé sans vergogne, ou la saisonnalité et le goût des produits agricoles ont cédés le pas au calibrage et à la perfection d'une forme vidée de sa substance, il n'a jamais été aussi évident et incontestablement criard de vérité que « plus on en parle, moins on en mange », ce qui exclue visiblement le domaine verbal ou, là, se nourrir de ses déchets semble une seconde nature par laquelle l'hypocrisie se recycle sans vergogne.
Mais peut-être qu'ici, pour finir, je m'égare un peu dans l'émotionnalité parfois excessive de cette Lune qui, pour autant qu'elle se puisse voir qualifier de Noire, n'en reste pas moins le symbole d'une fonction psychique, capable de nous aider, par le lien réciproque qui les unie, à maitriser et élever la froideur opérative d'un mental trop tendu par la compétition excessive qui nous aveugle en permanence, et conduit à  perdre de vue la différence entre le confort, rassurant parce limité, et ce luxe solvant de l'âme car régit par l'infini, quête illimité vers la dissolution de soi et le retour au Tout indifférencié de l'inconscient.
( en considération des réflexions de Rudhyar sur le concept de la polarité Fini/Infini, "L'astrologie de la Personnalité" , éditions Médicis page 63 : le fini crée la forme, qui permet l'individualité de la conscience, ( ou l'égo saturnien )  l'infini ramène au Tout indifférencié de l'inconscient )

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