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Parabole de la graine et du compost

Le 26/03/2024

Pour expliquer les processus, leurs différentes phases et les enjeux qui leurs sont associés, Rudhyar utilise fréquemment l'analogie avec les cycles de base de la nature, facilement observables et compréhensibles...

... A partir du socle de principes basés sur une logique holistique, la recherche de sens trouve des résultats cohérents dans la considération de parallèles entre des images représentatives de différents niveaux d'organisation du vivant, ces derniers selon la démonstration du célèbre neurochirurgien français Henri Laborit. Considérons donc, avec une certaine légèreté propre à un moment de détente dans le cadre d'une réflexion, le contour volontaire par la parabole, ou la fable, des barrières idéologiques et intellectuelles de la conscience, afin de tenter d'appréhender quelque peu que ce soit les enjeux d'une fin de cycle et la place que chacun, ou chaque ensemble ou groupe d'êtres, peut ou doit y tenir.
Voici.

« L'automne se termine. Le paysan autonome et soucieux de son harmonie avec son environnement naturel prépare déjà, petit à petit, l'enrichissement de ses terres au printemps prochain. Il accumule dans un coin de son exploitation les déchets végétaux de son activité en vue d'en obtenir un nouveau terreau fertile à l'issue de l'hiver, période ou les énergies de la nature se replient dans la terre, et ou les excroissances végétales développées au cours de l'année perdent leur vitalité, se recroquevillent, dégénèrent puis meurent.

Leurs expériences de vie, dans la limite de sens rationnel que peut prendre une telle expression, ne se perdra pas. Elles resteront d'une certaine manière, à savoir en tant que potentiel en dormance dans les graines disséminées au sein de ces déchets, progénitures porteuses de vie chargées de garantir la continuité d'un processus évolutif cyclique.
Elles attendront patiemment et dans l'indifférence, à l'intérieur d'une coquille protectrice des agressions diverses qui régneront au-dehors. Dans l'indifférence elles passeront au travers des péripéties qui rythmeront le drame de l'environnement dans lequel elle seront alors plongées.

Ce drame est celui de toute fin de cycle. Celui du moment ou le potentiel de vie contenu dans un cycle s'est construit, exprimé, a grandi puis, vidé de son contenu essentiel, ses contenants organiques supports de cette vie retournent par l'entropie au Tout indifférencié dont ses éléments furent issus.
Quels en sont les acteurs ? Ils commencent par toute une chaîne d'êtres qui, du plus gros au plus petits, ont la charge de briser, découper jusqu'à la taille la plus infime l'ensemble de ces déchets.

L'Homme, le premier et le plus évident, qui concasse, broie grossièrement. Vient ensuite cette chaîne d'insectes qui se nourriront de cette activité. Insectes parasites car l'activité n'est pas créatrice. La fin d'un cycle n'est plus le moment de la création, mais, disons, d'une certaine sorte de gestion...
Ce qui signifie également que cette gestion non créatrice amène ces créatures à travailler inéluctablement à leur propre fin. Ne créant rien, vivant pour dépecer des restes, elles finiront sans alternative possible, une fois ce travail achevé, et puisque tout organisme vivant s'oppose à sa propre mort, par se dévorer entre elles. Ce qui, au delà d'un certain regard compréhensible mais superficiel de dégoût, représente une admirable organisation de la nature puisque ce processus engendrera de lui-même sa propre disparition à la fin de la « mission » dont sont chargés ces agents destructeurs.
Mais, vers la fin de leur travail, apparaîtront d'autres agents de la nature, chargés d'une autre mission, toute autant temporaire mais non moins importante dans les préparatifs sains d'un nouveau printemps.

Des petits vers de terre, rouges, qui n'apparaissent que dans ces conditions, c'est-à-dire qu'ils ne se trouveront jamais ailleurs dans la nature que « ici et maintenant », appelés par un joli sobriquet latin de « oesenia ».
En parallèle à la toute fin d'activités des précédents, ils apparaissent afin de préparer une transformation saine des déchets microscopiques en terreau. C'est une activité parallèle et temporaire qui, à bien y regarder, ne s'oppose pas à celle des parasites puisqu'étant d'une autre nature, mais au contraire complémentaire. Elle commence à un certain degré de « maturation » de la progression du processus de destruction, et lui est, en quelque sorte, liée. Ces deux activités sont polaires.
Ces « oesenia », de la même manière que nos précédents parasites, disparaîtront par eux-mêmes une fois atteint leur but. Car eux aussi travaillent à préparer quelque chose auquel ils ne sont prévus de survivre. Un détail est à cet endroit intéressant et distrayant à observer :

Nous sommes ici en mesure de répondre enfin, pour ce qui concerne le parasite, à cette inénarrable question consistant à se demander quelle est la différence … entre le bon et le mauvais chasseur !
Nonobstant un coté léger de cette remarque, il est, plus sérieusement, à considérer ici que c'est, mine de rien, toutes nos considérations sur le Bien et le Mal qui pourraient être ici remises en question. Leurs rôles respectifs et la réalité sur le concept de polarité de ces deux extrêmes, considérant que la polarité est un phénomène lié à la matière ... comment ainsi des valeurs morales, spirituelles etc ... pourraient-elles lui être soumises ? Autre aspect d'une fin de cycle, l'épuisement de concepts ne répondant plus aux enjeux sociaux d'une époque.  Rudolf Steiner a largement exploré le sujet il y a déjà environ un siècle, et même si son oeuvre est elle aussi largement ignorée, voire méprisée, elle n'en reste pas moins lumineuse. ( ... et le Soleil ne joue-t-il pas un rôle vital et initial dans tous processus naturel ! )
Le parallèle est aussi possible, via une image plus directe, avec l'Homme moderne et son rapport au déchet : notre époque a vu le développement du parasite qui crée le déchet, et doit peut-être maintenant voir apparaître le temps du parasite qui devra être chargé de le traiter, et le transformer ...avant de voir le crépuscule dans l'Histoire intemporelle de l'Humanité, espérons-le, la fin au moins temporaire du « Temps des parasites » sur une Terre à nouveau propre ! ( voir à ce sujet une admirable conférence de notre ami Idriss Aberkhane sur le sujet du déchet )

Pendant ce temps, notre petite graine, elle, n'est en rien concernée par tout ce processus. De fait, elle reste là, repliée sur elle-même, tranquille, passive sereinement. Elle reste, elle et son potentiel, incomprise dans ce tourbillon de brutalité chaotique et désagréable, mais elle s'en moque. Pour elle, la reconnaissance sera une certaine étape du développement qui commencera longtemps après si tous ces acteurs ont fait correctement leur travail destructif. Et sinon, peu importe, l'hiver prochain arrivera quand bien même.

Mais, elle, elle obtiendra sa reconnaissance via d'autres êtres. Via le paysan. Via celles et ceux qui seront à même d'être là au moment de cueillir les fruits issus de l'arbre que deviendra cette minuscule petite graine perdue, pour l'heure, dans ce chaos.
Alors, tout ce déluge ne la concerne pas, pas plus que l'isolement et l'absence de reconnaissance des parasites qui, pour l'heure et de toute façon, n'existent pas pour reconnaître qui que ce soit ; sauf peut-être à simuler reconnaissance et admiration afin d'extraire de cet environnement hostile quelques ressources supplémentaires pour survivre un peu plus longtemps..."

Et ainsi justifier une fois de plus ces mots de Rudhyar "une inflation sans limites assure notre auto-subsistance. En résulte la cupidité et l'impérialisme."

Voilà de quoi faire un lien à l'aide de la logique holistique et nous permettre d'adapter cette petite histoire à notre échelle, ou à notre niveau d'organisation pour reprendre Laborit, et méditer sur le rôle que chacun de nous, et chacun de nos groupes ou collectivités actuelles, tient dans cette scène dramatique qui se joue sous nos yeux.

Voilà de quoi  nous éclairer sur le concept de développement cyclique, à travers cette partie du cycle complet qui en est la fin. Il est par ailleurs important de considérer qu'il y a une multitude de cycles à toutes les échelles de temps. Des plus courts aux plus longs, ils s'imbriquent les uns dans les autres comme des poupées russes, ou comme les aiguilles d'une horloge, et il convient d'avoir suffisamment de recul sur les évènements considérés et de connaissances des fondements théoriques pour pouvoir saisir les liens entre ces faits et les différents cycles existants au sein de notre système ( solaire ). L'importance en est de savoir distinguer les différentes échelles de temps qui les régissent et ainsi prendre mieux conscience du déroulement des faits et d'une certaine cohérence dans leur enchaînement.
Quant aux résultats pragmatiques individuels d'une telle étude, cela engendre  par voie de conséquence une meilleure maitrise de soi, de ses réactions émotionnelles et permet de se distancier des comportements collectifs irraisonnés. Il est à retenir que C.G Jung nous enseigne que, par nature, un collectif ou groupe ( en tant que Tout )  quel qu'il soit ne réfléchit pas, il ne fait que réagir car la conscience n'existe qu'à l'échelle individuelle. Le collectif, lui, n'existe qu'à l'échelle de l'inconscience ( ou de l'Homme générique, appelé plus couramment "Homme animal" ) et c'est pour cela que toute évolution de conscience n'est qu'individuelle, et que toute tentative de conscientiser un groupe est une illusion, une perte de temps et d'énergie, au-delà de certains épiphénomènes épars définis par un rassemblement limité de consciences similaires résultant de développements individuels qui, seulement ensuite, se retrouvent, quelle qu'en soit la nature.
Attention, pour les néophytes sur le sujet, à distinguer un groupe d'une équipe. Ce genre d'amalgame à une époque ou les mots sont utilisés à torts et à travers sans souci de réflexion sérieuse est courant. Bon nombre de mots chez Rudhyar sont liés à des définitions de concepts philosophiques qui sont souvent très différents des mêmes mots utilisés dans le langage courant.
Attention  également à distinguer de ceci les phénomènes inverses de dégénérescence et de déconscientisation, qui eux, comme nous en sommes témoins, sont réalisables globalement puisqu'ils consistent à réorienter en direction de l'inconscient et de l'animalité.
Nous sommes dans une époque suffisamment significative par les tensions et enjeux socio-économiques, culturels et civilisationnels pour que chaque personne douée d'assez de raison, de conscience et surtout de distance vis-à-vis de ses convictions et croyances daigne comprendre ces faits et concepts.


Pour les lecteurs interressés par le sujet, Rudhyar développe des considérations sur les conséquences de la polarité "culture-civilisation" dans le livre de son oeuvre astrologique intitulé "Crise et créativité".

Il faut savoir que cet ouvrage s'inscrit parmi un nombre non négligeable de l'oeuvre astrologique de l'auteur qui, concrètement, traitent plus de réflexions philosophiques autour du thème astrologique que spécifiquement et techniquement d'astrologie. Ceci car l'auteur inscrit l'astrologie comme un outil au service de notre conscience, et non comme une fin en soi ou un produit de consommation. C'est peut-être là la plus grande difficulté pour nos esprits conditionnés par quatre-vingts ans de consommation, de retrouver des réflexes intellectuels sains, ainsi que nos sources culturelles et spirituelles au coeur de notre être individuel, et non dans des actes compulsifs de consommation effrénée de produits matériels ou dématérialisés, ou de divers ritualismes modernes plus ou moins idéologiques et pseudo-identitaires.
Rudhyar nous a assez mis en garde contre les compilations stériles des "manuels-répertoires modernes", dont l'absence de fondements cohérents maintient le lien de dépendance de consommateurs compulsifs,  auxquels j'ajouterai les divers et absurdes bulletins météo astrologiques et consorts qui font florès sur la toile, et qui font plus de torts que de bien à l'image de notre discipline. Ce qui me remémore ma jeunesse et ce très bon professeur de français qui, avant chaque devoir de rédaction nous répétait : "la quantité n'est pas garante de qualité !" ... Tant au niveau de l'audience que de l'expérience du locuteur, à savoir ici que des décennies d'expérience ne justifient pas  en soi que l'on dise des choses intelligentes et pertinentes  ! Tant d'exemples démontrent que des absurdités peuvent être répétées avec la plus ferme assurance pendant toute une vie ...

En conclusion, le succès de certaines d'entre elles nous rappelle que Rudhyar ne se trompe pas lorsqu'il évoque les raisons pour lesquelles il ne s'adresse pas aux masses.
Rudhyar est une graine. Son potentiel germe, et germera ; mais l'heure de l'expression concrète de l'identité de cette future pousse n'est pas encore arrivée. Dès lors, l'enjeu essentiel et spirituel de quiconque se sent comme au stade de graine n'est-il pas, ainsi que l'appel Rudhyar, la "Transformation de la Personnalité" mais avant cela encore, et comme préambule inévitable de ce travail, d'apprendre  à acquérir la vertu de la patience, que l'on traduit symboliquement chez le végétal et sa graine par le mot de  "dormance", mot qui semble dès lors et au demeurant assez mal choisi, et passer complètement à coté du potentiel symbolique et spirituel de cette période-clé d'un "entre-deux cycles" ?

PS : et pour ceux qui souhaiteraient encore comprendre le lien direct avec l'astrologie de cette petite histoire, il est à comprendre que, en résumé, le processus de Transformation de Soi ( dans le cadre du processus d'individuation, pour ne pas oublier nos fondements liés à Carl Gustav JUNG, et du concept de base du Système Solaire considéré symboliquement comme modèle ou moule de notre être ) ainsi que l'inconscient collectif dans le psychisme humain sont liés aux trois planètes trans-Saturniennes Uranus, Neptune, Pluton. Nous pouvons retenir ces trois phases du processus par les mots-clés suivants : briser - décomposer - transformer